Exposition Micheau – Vernez,
Une expression puissante, poétique et colorée
Robert Micheau Vernez, sans doute l’un des plus grands peintres breton est paradoxalement resté presque inconnu du plus grand nombre, dans les dernières années de sa vie c’est au Croisic, plus précisément sur les quais que cet artiste d’exception à donné de multiples toiles colorées, poétiques d’une expression forte qui donnent toute la dimension d’un homme sensible, amoureux de la vie, de la beauté et du mouvement des êtres. Des toiles qui nous nous habite et nous obsède bien au-delà de la visite de l’exposition.
Rencontre avec son fils, Mickaël Micheau Vernez, commissaire de l’exposition qui nous révèle qui était l’artiste.
PL : L’exposition hommage consacrée à l’œuvre de votre père a été officiellement ouverte le 18 juin dernier. Elle fait éclater au grand jour l’extrême richesse d’un artiste sans doute unique en son genre, en raison de son regard sur la vie, les êtres et les choses. Que ressentez-vous face à toutes ces personnes qui découvrent l’homme autant que l’artiste ?
MMV : Micheau Vernez est un peintre, un illustre inconnu sinon très connu en Bretagne pour ses faïences qui ont sans doute été l’arbre qui cache la forêt de l’étendue de son talent qui s’est exprimé par la peinture et le dessin. Il se trouve qu’il a adoré la ville du Croisic où il est régulièrement venu pendant de très nombreuses années pour les cinq dernières années de sa vie venir y résider. Il était intéressé par le port mais aussi par l’aspect architectural de la ville, par l’ambiance qui lui rappelait un peu les ports du pays bigouden puisque il a habité Loctudy. Alors l’accueil, ici, c’est d’abord l’accueil de la ville du Croisic, puisqu’elle est l’organisatrice de cette exposition, elle a souhaité rendre hommage à cet artiste qui a peint le port et les environs du Croisic ; c’est également un accueil chaleureux des croisicais qui viennent qui viennent découvrir avec un énorme étonnement le caractère pluridisciplinaire de ses œuvres puisqu’il touche à la peinture, au dessin, à l’illustration, aux affiches, aux icônes, à la faïence. C’est un artiste très complet, mais surtout les croisicais découvrent le formidable coloriste comme on en voit rarement qui a fait école avec les plus grands dans sa jeunesse et qui a énormément travaillé à vouloir transcrire dans ses œuvres le regard qu’il portait avec cette vision qui passe par le rêve et tant d’autres choses et lorsque l’on parcourt le livre d’or dans lequel les pages peu à peu se remplissent, on se rend compte que les gens repartent émerveillés par ce qu’ils ont vu.
PL : Pendant sa période croisicaise, sait-on combien de toiles ont été réalisées ?
MMV : Il a essentiellement peint le port parce que ce sont les bateaux, ce sont les pêcheurs, les reflets dans l’eau… En fait le sujet est toujours un prétexte à la couleur. Vous dire combien de toiles sont sorties, je ne sais pas mais toujours est-il que pendant ces cinq dernières années il va beaucoup peindre, beaucoup plus que durant le reste de sa vie sur une période analogue ; sans doute avait-il conscience que sa vie allait s’arrêter dans quelque temps, donc il met toute son énergie et son savoir, son énergie et sa technique au service de cette création ultime ce qui se traduit par des toiles très travaillées sur lesquelles éclatent les couleurs.... il peint beaucoup, pratiquement une vingtaine de toiles chaque mois, c’est une cadence assez exceptionnelle.
PL : aurait-il senti l’urgence qu’il y avait de fixer sur la toile, pareil à un témoignage sur la vie, le quotidien des gens de mer pour en transmettre, au-delà du temps, la valeur comme le sens poétique ?
MMV : Oui, certainement. Il avait encore beaucoup à dire ; il avait auparavant passé des années à réaliser des icônes, à faire du dessin, des illustrations… Il s’est peut-être dit à ce moment qu’il avait perdu beaucoup de temps au détriment de sa peinture alors qu’il avait à s’exprimer car à sa façon c’était un chercheur, d’une certaine manière un scientifique à la recherche d’une harmonie tout à fait nouvelle. Quand on regarde ses toiles qu’elles soient croisicaises, à Venise ou Jérusalem, ce sont des toiles d’une très grande personnalité. On ne retrouve pas d’artiste qui ait représenté le Croisic comme il l’a peint. On ne peut donc le rattacher à aucun autre artiste, ce qui est tout de même assez extraordinaire.
PL : A votre avis, peut-on dire que Robert Micheau Vernez ressent ici plus qu'ailleurs le besoin impérieux d’instiller de la poésie dans son mode d’écriture ?
MMV : Vous savez il était très optimiste. Il n’a pas de message à faire passer mais, certainement qu’il faisait sienne la phrase de Dostoïevski qui disait que « la beauté sauverait le monde » voilà, en fait il est toujours en recherche d’un esthétisme allant jusqu’à l’absolu.
C’est pour cela qu’il s’intéresse à l’art sacré et que dans la totalité de son œuvre on trouve une grande noblesse, il y a toujours quelque chose de gai, de jeune, il a une vision heureuse de la vie d’où ces couleurs qui en traduisent la force.
Pl : Micheau Vernez est un coloriste remarquable dont l’on voit bien que les toiles qui sont ici exposées expriment la vie, le bonheur venant des simples choses…c’est ce qui prédomine chez l’artiste
MMV : Ah ! Complètement. Le journaliste et critique d’art André Parinaud aujourd’hui disparu considérait mon père comme l’un des plus grands coloristes de la seconde moitié du 20ème siècle il avait tenté de le lancer avec le galeriste parisien Armand Drouant qui lui ouvre ses portes, malheureusement ensuite, Micheau Vernez se renferme dans sa coquille et n’exposera pas pendant une trentaine d’années. Redécouvert, il y a deux ans, par le conservateur du Musée du Morbihan, une exposition rétrospective de l’œuvre de mon père lui a été consacrée au Musée du Faouët. Depuis deux ans il retrouve la lumière et un certain nombre d’organisations et de musées commencent à être intéressés, commencent à le découvrir.
PL : Vous-même consacrez l’essentiel de votre temps à cette reconnaissance de l’artiste
MMV : Oui, il se trouve qu’en 2004, une association a été créée avec pour objectif, d’une part, de protéger l’œuvre, toutes ses œuvres mais également pour les mettre en valeur et surtout faire l’inventaire de tout ce qu’il a fait (on en découvre tous les jours) ici même au Croisic, il y a des gens qui nous disent « J’ai une peinture ou un dessin de lui », c’était le cas lors de l’exposition qui s’est tenue à Grasse. On avance petit à petit dans cet inventaire ce qui va permettre lors de futures expositions de découvrir des œuvres aujourd’hui ignorées.
PL : Alors, Robert Micheau Vernez c’est l’artiste. c’est aussi le père, pour vous est-ce une seule et même personne ou bien deux personnalités qui s’affirment de manière alternative ?
MMV : Pour moi c’est un « peintre-père » avant tout. Un artiste est totalement dans son art avec autour de lui une famille dans laquelle il a vécu heureux. Pour lui la peinture n’était pas une passion mais une vocation. Son œuvre était primordiale, elle passait devant tout le reste, c’est évident. Heureusement d’ailleurs !
Pl : Avec la nécessité d’exprimer ce qui l’habite et peut-être même l’obsède ?
MMV : Oui, oui…l’obsédait peut-être, c'est-à-dire c’est sa manière de s’exprimer comme un musicien le fait avec sa musique, un écrivain par des mots…. Pour lui sa manière de parler, de communiquer, de montrer aux autres quelle était sa perception de la vie, c’était la peinture. Le regard d’un artiste c’est vraiment particulier….
Interview de Mickael Micheau-Vernez par Patrick Lehmann
« Micheau-Vernez peint et dessine jusqu’à sa mort, mais détruit aussi beaucoup. Ses maîtres complémentaires seront Cézanne, Gauguin et Bonnard. Avec l’obstination de toute une vie, il aura la conviction que leurs œuvres ne sont pas une fin en soi et que l’on peut continuer dans la recherche et la voie qu’avaient tracé ces précurseurs. Erudit sur l’apport et l’invention des maîtres, technicien du mariage des couleurs, il s’essaie aux audaces de nouvelles harmonies que l’on sent raisonnées , dans une construction toujours originale. La peinture est avant tout un art de la couleur, répétait mon père et il précisait : la musique et la peinture sont très proches l’une de l’autre. Beethoven, par la construction et la couleur, est un grand peintre, comme Gauguin ou Cézanne sont pour les mêmes raisons de grands compositeurs. Ainsi, ma peinture est comme la musique, chaque partition est une abstraction en soi, et pourtant l’ensemble de la composition est signifiant. »
Exposition hommage Robert Micheau Vernez
Jusqu’au 20 Juillet à l’ancienne criée
Ouverture : 10h à 12h et 14h à 18h, tous les jours.
Tarifs : Entrée sans visite guidée : 2 €
Entrée avec visite guidée (à 10h30 le mardi, mercredi, jeudi et vendredi) : 3 €
Entrée - de 18 ans : gratuite